LOST IN INTERZONE



Le commandant de bord composition, réalisation
piano, rhodes, voix
Membre de l'équipage  batterie
Membre de l'équipage basse


- Les textes sont extraits du livre « Le festin nu» de William S. Burroughs (éditions l'Imaginaire Gallimard, traduit de l'anglais par Eric Kahane), sans que l'histoire de « Lost in Interzone » n'en soit une transcription. Elle est une histoire dans l'histoire de l'Interzone.

« Tous, tôt ou tard, vont dire les mêmes phrases faites des mêmes mots afin de pouvoir occuper, au point d'intersection, la même position dans l'espace-temps, grâce à leur attirail vocal commun qui comporte tous les accessoires métaboliques permettant d'être une seule et unique personne... » (p.254-255)

- Les textes ont été arrangés par le commandant de bord.

« On peut couper dans Le festin nu à n'importe quel point d'intersection... (...)
Le festin nu est un bleu, un Manuel de Bricolage... Rut noir d'insecte découvrant le paysage infini d'autres planètes...Concepts abstraits, aussi nus qu'une formule algébrique, qui se réduisent à un étron noirci, à une paire de cojones vieillissantes...
Livre de recettes, traité du savoir-faire qui étend l'expérience à d'autres niveaux, à d'autres plans, portes ouvertes au fond d'un couloir immense... des portes qui n'ouvrent que sur le
Silence... » (p.246)



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(version complète)



1) L.O.S.T.I.N.I.N.T.E.R.Z.O.N.E (0'00 - 1'24) mp3
2) Destination... (1'24 - 3'22) mp3
3) ...Interzone (3'22 - 10'50) mp3
4) Contact (10'50 - 13'36) mp3
5) Comptine (13'36 - 16'18) mp3
- sommeil lent
- sommeil profond
6) Sommeil paradoxal (16'18 - 21'16) mp3
7) Lolita (21'16 - 25'22) mp3
8) Tetsuo (25'22 - 34'57) mp3
9) Au bout des bars de nuit (34'57 - 37'25) mp3
10) Aurore (37'57 - 40'40) mp3
11) Le carnaval des toxicos (40'40 - 48'57) mp3
12) Barcarolle de joint (48'57 - 52'16) mp3
13) Lolita ? (52'16 - 55'08) mp3
14) Initiales CC (55'08 - 59'01) mp3
15) Coup de Canon - montée (59'01 - 1h02'08) mp3
16) Coup de Canon - descente (1h02'08 - 1h04'13) mp3
17) Orchidée (1h04'13 - 1h07'06) mp3
18) Miroir (1h07'06 - 1h14'33) mp3
19) Postface atrophiée (1h14'33 - 1h18'40) mp3
20) Baxter (1h18'40 - 1h21'11) mp3



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Lost in Interzone.zip



Samples :

1) L.O.S.T.I.N.I.N.T.E.R.Z.O.N.E  - extrait du film "Le festin nu" de David Cronenberg
3) ...Interzone  - extrait de la série "Twin Peaks" de David Lynch
5) Comptine / 7) Lolita  - extraits du jeu vidéo "Silent Hill 2" de Masashi Tsuboyama
8) Tetsuo  - extrait du film d'animation "Akira" de Katsuhiro Otomo
9) Au bout des bars de nuit  - extrait du film "Lolita" d'Adrian Lyne
10) Aurore  - extrait du film d'animation "Peur(s) du noir" segment de Charles Burns
11) Le carnaval des toxicos  - extrait du film "Las Vegas Parano" de Terry Gilliam
14) Initiales CC  - extrait du film "Meet the Feebles" de Peter Jackson
15) Coup de Canon - montée  - extrait du film "Requiem for a dream" de Darren Aronofsky
17) Orchidée  - extrait du film "Trainspotting" de Danny Boyle
19) Postface atrophiée  - extrait du film "L'échelle de Jacob" d'Adrian Lyne
20) Baxter  - extrait du film "Baxter" de Jérôme Boivin



Informations :

- Il est possible de graver « Lost in Interzone » sur un disque de 80 mn (700 mb) si le graveur supporte l'écriture en surcapacité (overburning). A vérifier dans les propriétés du graveur.
- lostininterzone@free.fr


Textes :

Contact.

La drogue s'entoure de magie et de tabous,
de formules secrètes,
de malédictions et de rites.
Je connais un fourgueur de schnouf qui fait son parcours en chantonnant,
et tous les gens qu'il croise reprennent son refrain sans s'en rendre compte.
Il est si gris, si anonyme et spectral qu'ils ne le voient même pas
et s'imaginent que la chansonnette leur est venue toute seule en tête.
Ses clients le repèrent en se branchant sur le refrain du jour,
Smiles ou I'm in the Mood for Love ou quoi ou qu'est-ce...
On voit parfois jusqu'à cinquante camés
loqueteux et piaulant de souffrance filer au train
un môme qui joue de l'harmonica.
Attendant le Type,
la Connexion,
le Contact.

Wait in the fire (x2)
Wait in the fire, with you...
Wait in the fire (x2)
Wait in the fire, too...

Il apparaît sous les traits d'une tantouse en travesti,
ou d'un vieux pochard pissotant contre un pilier du métro aérien,
ou d'un étudiant qui distribue des tracts socialisants sur la place.
Voilà le réseau international des camés,
captant cinq sur cinq la même gamme de foutre ranci,
se garrottant le bras sur un lit de meublé.
Frissonnants dans l'aube de la drogue. Les vieux drossards qui pompent la noire à bout de pipe
au fond d'une blanchisserie chinoise.
Bébé la Tristesse qui crève d'un abus de manque
ou d'une cure coupe-souffle...
C'est du même au Yémen et à Paris, à la Nouvelle-Orléans, à Mexico ou à Istanbul...
Et puis le contact s'était penché et j'avais touché ma portion dans un seau de goudron.

Wait in the fire (x2)
Wait in the fire, with you...
Wait in the fire (x2)
Wait in the fire, too...


Lolita.

Images qui passent devant les yeux,
silencieuses et lentes comme des flocons de neige...
sérénité...
l'angoisse est tout bonnement inconcevable...

Une ravissante substance bleue m'imprègne...
je vois un visage souriant,
aux traits archaïques,
comme un masque polynésien,
ocre avec de fines mouchetures d'or...

Je devine que je me métamorphose en négresse,
mon corps est secrètement envahi de noir...
mes jambes s'enrobent de chair moelleuse,
d'une texture asiatique...

Une vie furtive et frémissante anime tout ce qui m'entoure...
la pièce vibre,
s'agite de mouvements mystérieux...
le sang et la chair
de races innombrables
pénètrent mon corps...

Migrations,
voyages fantastiques
à travers le désert
et la jungle
et la montagne,
à travers le Pacifique
dans des bateaux à balanciers
abordant à l'île de Pâques...

Loin derrière les collines,
derrière les plaines d'herbe bleue,
au-delà des prairies blanches
où les poissons rouges guettent le printemps...
La came est une petite blonde de seize ans...

Je suis amoureux d'elle...


Tetsuo.

Elle saute du lit, nue... sa planque est dans la lampe, elle mitonne la dose...

Elle enfonce l'aiguille dans ma fesse, la retire, lèche une goutte de sang sur la plaie...

Je me retourne avec une érection...


Aurore.

Refrain A
Le crépuscule enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore

Impressions imprécises
Qui défilent en images alternatives

Refrain B
L'aurore enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule
Qui enveloppe l'aurore
Qui enveloppe le crépuscule

Une grande flamme rouge de honte crue
Eclabousse le bleu pastel de l'horizon

Refrain A

Fantômes jaillissants à coups de poignets
Tombants tout chauds sur l'oreiller

Refrain B

Rictus squelettique, désespéré
Du manque chronique, sous un vernis d'endorphines

Refrain A


Lolita ?

Une jeune putain trébuche dans la poussière,
trainant à pleins ballots des résidus d'avortements.
De Kotex ensanglantés empaquetés en hiver,
dans les pages en couleurs de magazines pour enfants.
Elle s'avance dans un grand port d'eau iridescente,
une brise tiède joue sur le corps de l'adolescente.
Des requins empoisonnés sillonnent l'eau noire,
crachant du souffre, attendant un Icare.

Elle lance les sacs du haut du phare aveugle,
envoyant des baisers tournoyants.
Les sacs s'enfoncent dans le miroir du fleuve,
laissant s'échapper un chapelet de bulles d'argent.
Traversent une cité engloutie,
pour atteindre enfin un lit,
de vase constellée de truands refroidis.
Et là, ceints de fossiles et d'alluvions,
ils attendent le lent strip-tease de l'érosion.

Je marche en direction du phare,
elle dénoue ses cheveux et les laisse choir.
S'échappant en cascade, je tente l'escalade,
et je parviens au sommet de sa tour d'ivoire.
Je l'interpelle et demande à lui parler,
elle lève les yeux au ciel je la vois s'éloigner.
Silence de l'héroïne, silence en contrepoint,
des cellules assoiffées au petit matin.

Lentement elle ouvre les cuisses,
expulse son dentier vaginal dans un flot de kystes.
Sa chair se transforme en gelée translucide,
dévoilant un monstrueux mille-pattes sous acide.
Je le regarde sans bouger,
il me fait le coup,
de la télépathie jusqu'à ce que je crache la purée.
Ses yeux se noircissent,
je disparais dans un nuage de cannabis.


Coup de Canon.

Un matin, tu t'offres un Coup de Canon et tu sens un régiment de taons qui te fourmillent sous la peau...

Une succession d'explosions blanches te défonce le citron,
en allumant les lampes témoins qui parcourent ton cerveau.

Images d'hommes et de femmes,
d'adolescents et de fillettes,
de quadrupèdes et de poissons,
de crustacés paralysés,
de vocations anachroniques et à peine imaginables,
qui disparaissent comme un dessin sur le sable.

Un Latah, cousin malais du lycanthrope,
ne peut s'empêcher d'imiter machinalement tous gestes,
avec une obscénité simiesque,
salon meublé en suédois moderne.

Des agents spéciaux chargés d'enquêter sur les délits que dénoncent fielleusement des joueurs d'échecs paranoïaques,
perchés sur des branches,
délivrent des rapports fragmentaires rédigés en sténographie hébéphrénique.

Le crabe trottine de droite et de gauche, coupant des têtes au passage, un sourire perdu sous sa carapace.

Des éphèbes font du strip-tease avec leurs intestins sur un air de menuet,
des hommes-léopards déchiquètent les passants avec leurs griffes d'acier.

Des femmes s'enfouissent dans le conduit des pénis tranchés à ras,
les broyent et les branlent et les broutes sous le nez du chéri de leur choix...

Des malades rongés par des plaies mystérieuses,
observent la scène,
d'un regard lucide.

Les jeunes voyous du rock'n'roll chambardent les rues du monde entier. Ils envahissent le Louvres et vitriolent la Joconde.

Ils ouvrent les grilles des zoos, des prisons et des asiles d'aliénés, s'affublent en pirates pour éperonner le Queen Mary dans le port de Londres.

Jouent aux James Dean au bord des falaises avec des avions de transport.
Lâchent des hordes de cochons dans les coulisses de la bourse,

défèquent sur le plancher de la salle des séances des nations-unies,
et se torchent avec les traités, les alliances et les pactes.

Les émeutiers vocifèrent à tue-tête,
étripant au hasard,
lançant des cocktails Molotov sur les forces de l'ordre.

Les flics répliquent à l'arme de guerre, à coups de pieds et de matraques avec une brutalité méthodique.

A bord d'hélicoptères, des fanatiques haranguent la foule et la bombarde de tablettes de pierres aux messages sans rimes ni raison.

Mais quand elle souriait la peur se changeait en paillettes de lumière.


Orchidée.

Une orchidée rouge s'épanouit au fond du compte-gouttes.
Durant une longue seconde il hésita,
puis il pressa le caoutchouc
et regarda le liquide disparaître d'un trait dans la veine.

Il restait une mince pellicule de sang irisé dans le compte-gouttes
et la collerette du papier blanc
était souillée comme un pansement.
Il se pencha,
et l'impact de la came
le frappa à l'estomac.

J'abaisse mon regard,
vois mon pantalon crasseux,
pas changé depuis des mois...
Les jours passent en glissant,
comme enfilés à ma seringue au bout d'une longue aiguillée de sang...

J'ai oublié l'amour,
l'acuité de tous les plaisirs du corps.
Je suis un spectre gris cramponné à la drogue,
les copains espagnols m'ont baptisé
El Hombre Invisible...


Miroir.

Comme toujours le camé se voit en train de vivre devant son miroir...
Il doit vérifier de temps en temps,
s'assurer que le Délit d'Acte Distinct n'a pas pu,
ne peut pas,
ne pourra pas se produire...

Quiconque a regardé dans un miroir connaît la nature véritable de ce crime et sa conséquence :
la Perte du Contrôle quand le reflet n'obéit plus...
Trop tard alors pour appeler la police...


Postface atrophiée.

Une tornade de vent noir tourbillonne sur l'univers,
cherchant,
flairant le délit de vie distincte,
les déménageurs de la chair glacée d'épouvante qui grelotte sous la courbe des probabilités...

Des couches entières de population sont mangées au jeu de dame du génocide...
tous les amateurs peuvent jouer...
la planète erre a l'aveuglette vers un destin de fourmilière...
La poussière est retombée...

Les trusts du monde s'évertuent frénétiquement à couper les lignes de contact...
et assènent de dures et sombres vérités...
parlent de prophylaxie...
et de fièvre aphteuse...

J'étais de l'autre côté du miroir de l'univers,
m'estompant dans la grisaille du passé,
aux prises avec des démons pas encore nés.

Bureaucratie télépathique,
Consortium du temps,
Drogues de coercition,
Piquousards de fluide lourd.

Je gravis un tas d'ordures qui montent jusqu'au ciel...
des foyers brasillent ça et là...
la fumée d'essence forme un lourd nuage d'excréments noir dans l'air immobile, polluant le voile blanc de la chaleur de midi...

Une flaque d'huile,
me renvoie l'image de mes gencives édentées et de mon crâne dégarni...
La chair qui tartine les os de phosphorescences.

Je n'avais jamais rangé ma chambre,
détritus de toutes sortes s'entassaient jusqu'au plafond.
L'eau et l'électricité avaient été coupées depuis longtemps,
élancements fantomatiques d'après amputation...

Je ne faisais absolument rien,
je pouvais rester immobile huit heures d'affilées, à contempler le bout de ma chaussure.
Quand un ami venait me voir,
mais on venait rarement,
je demeurais prostré, indifférent...

éclairs blancs...
appels silencieux d'insectes torturés...
je me suis éveillé avec un goût de métal dans la bouche...
placenta du singe gris et desséché de la came.

Des trains de munitions explosent en traversant les circonvolutions roses de la chair tumescente...
déclenchent l'éclair de magnésium de l'orgasme...
photo au 1/1000e de seconde du mouvement coupé net...
un flanc lisse qui se love pour allumer une cigarette...

la thermodynamique a gagné par abandon...
les orgones ont canés dès la ligne de départ...
cris d'horreur et de passion...
solitude qui gémit comme des cornes de brouillard...

Je restais debout sans bouger...
suppliant avec des mots humbles et doux...
chaque jour plus vides et plus flous...

un dernier shoot pour la route